Arts visuels
L’intensification de l’offre culturelle
A l’image du phénomène national, le paysage culturel azuréen a connu en 35 ans un grand boom d’institutions dédiées aux arts visuels. En plus de musées qui abritaient déjà les collections archéologiques, patrimoniales ou d’artistes historiques tels que Fragonard, Renoir, Matisse, Léger, Picasso ou Chagall, de nouveaux venus font désormais l’actualité à travers la photo, la peinture, le dessin, le design, la vidéo et les arts numériques. Une offre à laquelle s'ajoutent d’ailleurs cinq nouvelles fondations : celle qui réunit la collection de Bernar Venet, celle de Majid Boustany autour de l’artiste Francis Bacon, la fondation Carmignac sur l’île de Porquerolles, la fondation CAB à Saint-Paul de Vence située non loin de l’historique Fondation Maeght, et depuis peu celle dédiée à Hans Hartung et Anna-Eva Bergman dans la villa-atelier où le couple habita à Antibes. A Cannes, c’est aussi prochainement, en complément de La Malmaison qui donne à voir de grands noms de l’art contemporain, un musée autour de la collection d'artistes d'Afrique subsaharienne de Jean Pegozzi qui verra bientôt le jour. Entre politiques d’acquisition d’œuvres, soutien à la création et choix d’expos selon les publics, ici chacun cultive sa singularité et ses axes privilégiés. Focus sur les lieux et musées qui ont éclos sur la Côte d’Azur ces 35 dernières années.
1989
Grasse
Musée International de la Parfumerie
Des vases à l’art olfactif
Une grande bâtisse provençale abrite le musée.
Les habitués l’appellent le MIP. Deux ans après la création de notre magazine, naissait ce musée à la façade ocre jaune, avant qu’une extension en 2006 permette de doubler sa surface. Si la parfumerie – entendue au sens large avec savon, maquillage et cosmétique – a donné lieu à de nombreux objets, des pots à onguents égyptiens aux bouteilles très design contemporaines, le musée – qui a tenu à être le premier au monde dédié à la sauvegarde de ce patrimoine – a réuni au fur et à mesure près de 55 000 objets grâce à une politique d’achat, des donations et au matériel d’anciennes usines grassoises. Une partie est visible dans l’expo permanente qui retrace l’histoire de la parfumerie dans une scénographie très graphique, comme celle des parfums par ordre d’apparition. Le musée est d’ailleurs l’un des plus directement en relation avec le vivant dans le département, avec ses serres sur place et les Jardins du MIP à Mouans-Sartoux. A noter que si ses collections comprennent des œuvres d’Othoniel, Collin-Thiébaut ou Berdaguer & Péjus, il présente depuis cet été une expo sur l’art olfactif, et il se chuchote en coulisses qu’une biennale alliant art contemporain et parfumerie pourrait y voir le jour.
Jusqu’au 5 mars : Respirer l’art, quand l’art contemporain sublime l’univers du parfum
museesdegrasse.com
1990
Nice
Musée d’Art Moderne
et d’Art Contemporain
Pionnières, et caetera
Vu du ciel, il a cette forme de X caractéristique. Imaginé par les architectes Yves Bayard et Henri Vidal, le MAMAC comme on le surnomme est désormais le deuxième site le plus visité de Nice ! Derrière ses façades en marbre à l’allure de temple, Yves Klein partage son bleu infini avec la killeuse Niki de Saint Phalle. Deux artistes qui font partie des Nouveaux-Réalistes, mouvement qui a contribué à l’effervescence de L’Ecole de Nice et au rayonnement artistique international de la Côte d’Azur de la fin des années 1950 aux années 1970. Alors que Niki amassait des jouets et fils de fer pour faire sortir de son imagination des sculptures comme La Mariée sous l’arbre, le musée aujourd’hui sous la direction d’Hélène Guénin valorise les questionnements sur le vivant et la création féminine, notamment via de grandes expos collectives ou des focus monographiques dans sa galerie ambulante. Déployé sur trois étages, le musée offre sur son toit un panorama de la Coulée verte et du Vieux Nice.
Jusqu’au 30 avril, Devenir Fleur
mamac-nice.org
Le MAMAC habillé de verre et de marbre blanc de Carrare.
1990
Mouans-Sartoux
Espace de l’Art concret
L'efficacité des images
Exposition Filiation 2. Xavier Theunis, maquette (projet en cours), 2022, Collection de l'artiste © DR
L’EAC a cette situation singulière : s’il a en réalité un statut de Centre d’art, ce qui inscrit dans ses missions le soutien à la création, il s’occupe aussi d’une collection permanente comme le font ordinairement les musées. L’histoire débute lorsque la Ville a racheté l’ancien château des Durand de Sartoux. L’artiste Gottfried Honegger et son épouse Sybil Albers-Barrier, qui ont constitué un fonds d’œuvres au départ d’artistes concrets zurichois puis d’art conceptuel et minimal, proposent alors à la municipalité d’y faire des expos temporaires. Afin de pérenniser le projet, il feront ensuite donation de leur collection et demanderont qu’elle soit conservée dans un lieu dédié. C’est ainsi que naîtra la bâtisse verte dans les vastes jardins du château. « Tous les ans, nous y invitons des artistes à poser leur regard sur cette collection, passée de 400 à 700 œuvres, ou nous ouvrons un dialogue avec des collections proches », témoigne Fabienne Grasser-Fulchéri. Au château, la directrice programme aussi trois expos temporaires par an, monographiques ou qui interrogent la peinture, la composition.
Jusqu’au 26 mars,
Filiation 2 et la Donation Albers Honegger
espacedelartconcret.fr
1998
NICE
Musée départemental
des Arts asiatiques
Portes d’entrées sur l’Asie
L’histoire de ce musée est pleine de rebondissements. Lancé au départ par l’ancien maire de Nice Jacques Médecin avec le collectionneur d’art japonais Pierre-Yves Trémois, ces deux protagonistes finirent par se retirer et c’est le département, avec l’appui du ministère de la Culture, qui poursuivra le projet. Dans ce petit bijou d’architecture imaginé par Kenzō Tange, formé de quatre cubes chapeautés d’un cylindre, l’aventure a débuté un peu comme au Louvre Abu Dhabi avec un musée bénéficiant de prêts le temps de se constituer une collection. Développée activement par Marie-Pierre Foissy à partir de 1996, cette dynamique connaît ensuite un ralentissement. « Nous avons eu désormais la chance de relancer une politique d’acquisition », s’enthousiasme Adrien Bossard, conservateur du musée départemental depuis quatre ans et qui mène en coulisses un important travail d’inventaire d’une donation de 1 100 estampes japonaises. De sorte que l’établissement comptera bientôt près de 2 000 œuvres. Outre son accrochage permanent à l’étage, le musée présente des expos temporaires sur des thèmes ou pays, auxquelles on accède par une rotonde dédiée au bouddhisme. Un point de convergence entre Inde, Chine, Japon, Asie du Sud-Est et Asie centrale.
Jusqu’au 29 janvier, Hokusai, voyage au pied du Mont Fuji
maa.departement06.fr
Un bijou d'architecture signé Kenzō Tange.
2008
Monaco
Villa Paloma,
Nouveau Musée National de Monaco
Une forme d’art total
La Villa Paloma devenue musée.
L’une des particularités majeures du NMNM ? Il propose deux sites d’expositions : une villa en bord de mer ayant appartenu au peintre anglais Robert Sauber, et la Villa Paloma, à quelques pas du jardin exotique et inaugurée à l’époque de Marie-Claude Beaud. Après avoir œuvré à la Fondation Cartier et au Musée du Luxembourg, l’ancienne directrice du NMNM a fortement étoffé la part contemporaine des expositions et collections du musée, aujourd’hui dirigé par son ancien collaborateur Björn Dahlström. Du fait de la superficie de la Principauté, ce musée a en effet comme autre spécificité de conserver et valoriser des collections plurielles, avec des poupées et automates, des costumes de scène, des tableaux du XIXe siècle tout comme un ensemble d’œuvres de Kees Van Dongen, peintre fauve et mondain qui habita en Principauté. En dehors d’expositions monographiques de grands artistes internationaux, le musée fait donc aussi un énorme travail de recherche et de mise en avant des figures locales qui ont contribué à la grande histoire des arts comme le peintre Christian Bérard, qui signa notamment les décors de La Belle et la Bête de Cocteau.
A venir du 25 mars au 1er octobre, George Condo
nmnm.mc
2011
LE CANNET
Musée Bonnard
Autour du « nabi japonard »
C’est avec subtilité que les architectes Ferrero et Rossi sont parvenus à créer ce musée dans un ancien hôtel particulier, avec son entrée glissée dans un mur de soutènement typiquement local et son ascenseur ouvrant des vues sur Le Cannet, comme Pierre Bonnard a pu en voir. Car si la Ville n’avait au départ pas de collection d’œuvres du peintre, elle a tenu à consacrer un musée à cet artiste qui, après avoir parcouru plusieurs villes du pourtour méditerranéen, a vécu ici pendant 25 ans. Si les toiles de Bonnard sont dispersées à travers le monde, du Musée d’Orsay au MOMA, le musée azuréen a réuni au fil du temps près de 200 pièces, mettant la priorité sur sa période du Cannet, considérée par les spécialistes comme la plus lumineuse et colorée de sa palette, mais pas seulement. Ayant vocation à éclairer les réflexions de l’artiste sur la peinture à travers les couleurs, les formes puis les objets personnifiés, le musée replace également par ses expositions Bonnard dans son contexte avec ses contemporains postimpressionnistes comme Edouard Vuillard et Toulouse-Lautrec.
Jusqu’au 11 juin, 11 ans de collection
museebonnard.fr
La Vue du Cannet de 1927, pièce emblématique du musée.
2011
Mougins
Musée d'Art Classique
La rencontre des époques
Sous les antiquités gréco-romaines, se trouvent la galerie égyptienne.
Statues de déesses, pièces de monnaie en or, armures gréco-romaines… l’une des spécificités de ce musée privé est qu’il se fonde sur la collection d’un seul homme : Christian Levett, tradeur et collectionneur anglais, qui a souhaité partager sa passion avec le grand public pour les brillantes civilisations antiques et les mythologies qui leur sont attachées. Ainsi a vu le jour le MACM, qui aime à juxtaposer les périodes pour les éclairer respectivement, entre antiquités égyptiennes, statuaire gréco-romaine, collections néo-classiques et œuvres d’artistes contemporains. Dans ce musée équipé de tablettes numériques, qui propose régulièrement des animations et conférences, les bustes antiques côtoient des œuvres d’Henri Moore tout comme de Matisse. Il faut dire aussi que Levett poursuit aujourd’hui encore ses acquisitions d’œuvres, comme celles dans la mouvance de l’expressionnisme abstrait américain des années 1940 à 1960, avec des femmes artistes de talent encore trop méconnues telles qu’Elaine de Kooning, Yvonne Thomas ou Jane Freilicher.
Evénements à l’année : conférences mensuelles et bacchanales les jeudis, rencontres art et vin.
mouginsmusee.com
2017
NICE
Musée de la Photographie
Charles Nègre
Rendre la photo accessible
Né en 1999 sur le boulevard Dubouchage à L’Artistique – le lieu abrite désormais la collection Ferrero – le Musée de la Photographie a trouvé place dans un lieu plus achalandé sur le Cours Saleya. Installé dans une ancienne sous-station électrique de la Place Gautier, réhabilitée pour permettre l’accueil de photos, le musée cultive son esprit indus avec la grande passerelle dominant son rez-de-chaussée. A la tête de cette institution, dont la collection réunit en réserves des photographies de Charles Nègre et au total près de 2 000 œuvres et appareils photos, Stéphane Tallon cultive une politique à double entrée : des expositions grand public permettant de mettre en avant le travail des plus grands noms de la photo d’hier et aujourd’hui à travers les disciplines – les portraits Harcourt, les paysages de Yann Arthus Bertrand, les fleurs de Nick Knight ou la panthère de Vincent Munier – et des expositions d’artistes locaux ou plus conceptuels dans la galerie attenante au musée. « Cela nous permet d’accueillir deux propos différents et donc la plus forte densité de programmation des musées municipaux », s’enthousiasme Stéphane Tallon.
Jusqu’au 15 janvier, Vincent Munier, les 3 Pôles
museephotographie.nice.fr