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URBAN GUIDE

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juillet 2024

Grimaldi Forum Monaco

Une immersion dans le sublime de Turner

La grande exposition d’été part à la redécouverte de l’œuvre du peintre anglais, la lumière, les couleurs de ses paysages, dans un dialogue avec des artistes des XXe et XXIe siècles. 

Par Tanja Stojanov
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 Joseph Mallord William Turner, Tivoli : Tobie et l’Ange, vers 1835, huile © Tate
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 Richard Long, Cercle en ardoise, 1979. Ardoise, Tate. © ADAGP, Paris, 2024. Photo Tate
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© 2000 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko - ADAGP, Paris, 2024
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 Joseph Mallord William Turner, La Chute d’une avalanche dans les Grisons, exposé en 1810, huile sur toile, Tate.© Tate

Sublime. Il ne s’agit pas juste de beauté ici mais plus encore. Ce quelque chose qui fait basculer les sens et la pensée vers un ailleurs, une expérience de soi et du monde. Devant certaines toiles du peintre, aquarelliste et graveur anglais Joseph Mallord William Turner (1775-1851), on est ainsi traversé par la présence fascinante de ses lumières, cette façon si singulière qu’ont ses couleurs de se diffuser pour embrasser le paysage dans leur atmosphère. En 2021, l’exposition développée au Musée national des beaux-arts du Québec en 2021 se concentrait sur le contexte historique d’émergence du sublime, un concept théorisé par Edmund Burke fondé sur l’émotion ressentie devant les forces de la nature. Cette fois, une nouvelle sélection est présentée sur 2 000 m2, dans un dialogue avec des œuvres actuelles à très grande échelle. 

« Turner cherche à représenter cette sensation intense que l’on ressent devant les phénomènes naturels, et nous avons souhaité montrer comment le sublime s’exprime aujourd’hui dans le contexte de l’art moderne et contemporain », se réjouit Elizabeth Brooke, chargée de mission curatoriale à la Tate et commissaire de l’exposition. De ses débuts dans la campagne anglaise dans les années 1790 jusqu’aux toiles des années 1840, c’est un vaste ensemble de près de 80 huiles, aquarelles et croquis de l’artiste anglais, qui rencontre ici les chefs-d’œuvre de 15 artistes issus en grande part des collections de la Tate, parmi lesquels Rothko, James Turrell, Roni Horn et Laure Prouvost.

 

Un paysage sensible et poétique

« Turner est l’un des plus célèbres peintres romantiques du XIXe, il est également considéré comme le premier peintre moderne », poursuit Elizabeth Brooke. Le parcours explore donc à travers différents angles, l’œuvre du maître du sublime, venu à Monaco de son vivant en 1828 afin d’y réaliser quelques croquis. En prélude, la boule à facettes Totality de Katie Paterson projette ses éclipses solaires dans l’obscurité, clin d’œil à l’habitude que Turner avait d’accueillir ses invités dans une salle toute noire, pour intensifier l’expérience de la lumière et des couleurs face aux tableaux. Puis l’exposition s’élance au cœur des paysages anglais, avec les croquis et toiles de Turner mais aussi le Cercle en ardoise monumental de Richard Long, land artist qui a arpenté également les landes de Dartmoor. « Dans la section dédiée aux montagnes, nous avons placé les photographies de glacier d’Ólafur Elíasson, The glacier melt series 1999-2019, qui donnent à voir le changement climatique. Turner, avant les impressionnistes, aimait à aller s’immerger dans le paysage et, comme lui, Ólafur Elíasson regarde aujourd’hui la nature de l’intérieur », s’enthousiasme la curatrice. 

Après des scènes d’histoire, mythologiques ou bibliques, où le peintre anglais redouble de maîtrise technique et de modernité de son style, une nouvelle section plonge le spectateur dans l’atmosphère magique de la lagune de Venise, joyau menacé par la montée des eaux. Turner était aussi ce peintre des mers et tempêtes. Les marines comptent pour plus de la moitié de son œuvre dont la plus célèbre est indiscutablement Hourra ! pour le baleinier Erebus ! Grâce à ses effets atmosphériques rehaussés d’or et d’argent, Turner puise dans les forces naturelles pour provoquer des émotions, élevant la peinture de paysage au rang d’art majeur. Ouvert sur les sens, le parcours se termine ainsi dans une contemplation nourrie du ciel et de l’eau qui trouve son apothéose dans les dernières toiles de l’artiste. Véritable précurseur de l’impressionnisme et de l’abstraction, Turner n’a eu de cesse d’inspirer la création contemporaine et sa manière d’être à l’avant-garde bouleverse encore aujourd’hui.

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