L’architecte Michel Marot était passé un peu aux oubliettes jusqu’à ce qu’on redécouvre ses réalisations comme la Villa Arson, juchée au sommet de la Colline Saint-Barthélemy. Surmonté par l’ancienne demeure de la famille Arson, reconnaissable à sa façade ocre rouge, le projet inauguré en 1972 était à l’époque assez disruptif, avec son horizontalité très forte, ses murs habillés de galets, son dédale de couloirs et son parti pris pédagogique prenant le contre-pied des ateliers individuels. « Il y a ici un télescopage entre monumentalité et intimité, une forme de récit autobiographique qui renvoie au parcours de Michel Marot, qui adorait se perdre et se retrouver dans l’enceinte des Beaux-Arts de Paris. Passé par la Villa Médicis et ses jardins, il a enchâssé la Villa Arson entre les pins et cyprès et imaginé un dispositif très intégré avec toutes les fonctions », explique Sylvain Lizon, directeur des lieux depuis 2019, qui réunissent une Ecole nationale supérieure d'art, un Centre national d'art contemporain, une résidence d'artistes et une médiathèque spécialisée. Si les espaces d’exposition accueillent les visiteurs au rez-de-chaussée, les ateliers de production sont quant à eux en sous-sol, sous des jardins suspendus. Un cheminement tourné vers l’intérieur qui n’est pas sans rappeler les édifices religieux dont Marot était spécialiste. « Il y a des interactions importantes entre les lieux et la création, même si ce n’est pas forcément un lien littéral, poursuit Sylvain Lizon. La qualité des espaces influe sur les formats que nos étudiants s’autorisent et l’ambition qu’ils donnent à leurs projets. L’enjeu est aussi pour eux à l’inverse de ne pas se laisser dépasser par la force de ce paysage. » Pour autant, le directeur de la Villa Arson se bat pour que ce territoire ne reste pas en vase clos : « Il faut que l’oxygène entre, faire des courants d’air en accueillant d’autres figures, pour sortir du discours tautologisant et des risques d’endogamie. L’idée qu’un artiste doit passer son temps à travailler seul sur son socle est dépassée. Les étudiants ont à se reconnecter aux enjeux sociétaux, au développement durable, et la Villa est aussi aujourd’hui une fabrique de collectifs ».
Par Tanja Stojanov