La musique électronique, un mot valise qui embrasse bien des genres, a creusé son sillon sur la Côte d’Azur comme elle l’a fait ailleurs. L’EDM (Electronic Dance Musique) est le 2e genre streamé sur Spotify. Elle pèse en France 416 M€ trustant 17 % du marché des musiques actuelles. Et l’on estime à 10 millions le nombre de DJ dans le monde*. Pas de doute, la musique électronique est devenue la Pop music de la génération Y ! Nos rives méditerranéennes étaient-elles plus douées que d’autres pour accueillir cette nouvelle vague ?
Premières connexions
La spécificité de cette musique ? Des instruments technologiques issus de la recherche. La musique électroacoustique nourrie aux oscillateurs naquit avec ses compositeurs pionniers comme Schaeffer en France ou Stockhausen en Allemagne qui initie dans les sixties l’Elektronische Musik dans laquelle s’engouffrent les Teutons de la Kosmiche Musik. Krafwerk puis Laurie Anderson aux USA offrent des hits à ce genre début 80. La British electro puis la French Touch de Laurent Garnier à Daft Punk imposent au tournant du siècle ce son comme l’expression de la culture moderne, après le hip-hop et le rock.
Nice fut au cœur de cette saga avec l’installation du CIRM en 1978 qui porta une musique d’avant-garde et fit connaître du public via le festival MANCA de nouveaux outils et enjeux tout en formant des élèves du Conservatoire. « Ces instruments développés par Robert Moog se sont si démocratisés que les jeunes artistes ont pu créer leur home studio ! », souligne Michel Redolfi, ex-directeur du CIRM. La déferlante de la techno et ses rave parties marquent un nouvel élan. Enfants de ce courant, Panda Events émerge en 2006 à Nice « Ouverts aux musiques alternatives, nous venions tous de l’underground électro », explique Benoît Géli dit Ben, à la barre de cette association qui est aujourd’hui le fer de lance des festivals électros. « Depuis les années 90, la Côte vibrait au tempo des drum-machines. Une musique qui a pris très vite ici ! Mozart, le créateur du Bal des fous à Cannes, fut aussi à l’origine des grand-messes Limelight ». Née en 1997, la Dolly Party est l’autre rendez-vous extravagant. Depuis 25 ans la brebis clonée de l’artiste Moya et ses DJ enfièvrent le mouvement LGBT de Monaco à Montpellier via SaintTropez et Nice.
Love on the beach
Avec la reconnaissance des institutions, des festivals voient le jour. Dès sa première mouture, la Pantiero voit débarquer au port de Cannes la fleur électro du nouveau millénaire dont les jeunes Antibois M83 qui allaient se faire un renom international. Massive Attack suit sur la plage du Palm Beach ! A Nice le festival Nu-zik mêle en 2006 les arts numériques à la fête. « L’électro était bien installée dans ces années-là ! Le Bar le Smarties à Nice relaye le renouveau de Berlin, capitale de l’Electro, soutient les DJ et cette tendance dont les soirées « Face » du MAMAC sont la suite aujourd’hui. Le Volume fut le tremplin de talents locaux mêlant électro et pop rock tel Hyphen Hyphen, victoire de la musique 2016 », commente Ben. Quand Panda lance les Plages électroniques en 2006, la brèche est ouverte. Le succès s’amplifie en 15 éditions. « Au début nous programmions 5 soirées avec des thématiques électros différentes. Aujourd’hui, on draine sur trois dates un public encore plus large, intergénérationnel car aux plus jeunes se mêlent les premiers fans d’électro, quadra ou quinquagénaires ! » En 2022 Panda invite deux stars de l’EDM (Electronic dance music), Martin Garrix et David Guetta, multiplie laser shows et scènes balnéaires (plages, rooftop, terrasse du Palais des Festivals, scène flottante, boat parties). L’événement qui réunit 54 000 clubbers est un label festivalier qui voyage « Les plages ont été exportées à Acapulco puis aux Antilles où elles sont devenues Plages Electropicales ». Le Festival Crossover explore, lui, depuis 14 éditions une voie privilégiant le live avec des artistes à la croisée des genres urbains, électro, high-tech, rap… Le rendez-vous du hall du 109 a rejoint le théâtre de Verdure (TDV), un plus ! C’est également sur la Promenade que Panda organise depuis 2019 le Riviera Electro Festival « sur un segment tech house, style Ibiza. C’est ce qui plaît ! En fait nous étions partis pour revisiter les Nuits sonores de Lyon mais la Côte fonctionne autrement. Elle brasse un public bigarré qui cherche l’effet festif en plein air dans un cadre glamour. Le succès des Hi-beach party l’a prouvé ! » Une étude SACEM confirme : le sud-est avec l’Ile de France et l’Occitanie sont trois régions qui totalisent 60 % des festivals électros en extérieur à la belle saison*.
Ainsi nos rives ardentes et festives où l’électro se décline aussi en siestes et « Piknik » sont devenues la villégiature des stars de l’EDM. David Guetta enflamma le stade Charles Ehrmann en 2013, la place Masséna en 2015 puis les plages cannoises en 2022. Monaco déroulait en 2015 le tapis rouge à Etienne de Crécy et son « Superdiscount ». Après deux sets aux Crossover (2011, 2017), il revenait cet automne au Stockfish, la nouvelle salle de spectacle de Nice.
Quant aux festivals ils ne cessent d’éclore. En juillet 2022, le Neon Festival investit le Théâtre de Verdure. La Crème à Villefranche-sur-Mer propose depuis 2019 trois jours de concerts, DJ sets et animations lifestyle sous le soleil (pétanque, BBQ et vins nature) dans la plus belle rade du monde ! On dit que l'eau salée est naturellement conductrice d'électricité, nos rivages le sont aujourd’hui pour la vague électro !
Par Olivier Marro