Les stars boudent la célèbre station balnéaire, lisait-on, les peoples ont fini par déserter le village de pêcheurs rendu célèbre par Brigitte Bardot, Matisse, Picasso ou Karl Lagerfeld… C’était bien mal connaître l’énergie et l’attractivité de Saint-Tropez, bien décidé à se refaire une place au soleil, porté par une nouvelle génération d’entrepreneurs, d’hôteliers, d’architectes et de chefs. Parmi eux, on trouve les grands noms des restaurants festifs dont les concepts ont déjà fait recette à Paris ou à l’étranger. Alors que LVMH répliquait son mythique Cipriani de Venise à Saint-Tropez et que le designer Sam Baron réenchantait le restaurant du beach club Bagatelle de Pampelonne, Moma Group, dirigé par Benjamin Patou, débarquait la saison dernière sur la Côte d’Azur avec son lot de nouvelles adresses : le Café Lapérouse quai Frédéric Mistral, Manko à deux pas du port… Côté plage, Casa Amor, une cabane ambiance bohème-chic s’installait sur le sable tropézien avec une carte signée Akrame Benallal et une programmation musicale pointue choisie par des DA venus tout droit de Tulum. À quelques kilomètres de là, Laurent de Gourcuff (Paris Society) déclinait sa trattoria chic parisienne Gigi en version maison de vacances au beau milieu de la pinède et son restaurant Le Piaf, le temps d’un été à Pampelonne. « Saint-Tropez est une ville qui reste fréquentée par nos clients, explique Alexandra de la Brosse, directrice de communication du groupe. Nous avons voulu nous y implanter avec Gigi, une maison de vacances ambiance riviera des 60’s dans un parc de 6 hectares, qui propose un accès à la plage, une piscine mais aussi un concept store et une table solaire et de partage. Les gens avaient besoin de quelque chose de nouveau, de moins bling, de plus pointu. »
LES ENFANTS DU PAYS AUX MANETTES
Moins de magnums de champagne et copeaux de truffe, plus de bonnes ondes et musique de qualité ? La ville, qui compte 4 600 habitants l’année et 80 000 visiteurs l’été, a connu un beau regain de vitalité. Des touristes français, habitués d’Ibiza, de la Sardaigne, de la Grèce… se sont tournés vers les plages de la Côte d’Azur avec la pandémie de Covid19. Et de nouveaux professionnels, plus jeunes, ont pu pénétrer le cercle très fermé de la food et de la nuit tropéziennes à la faveur de la loi Littoral et du renouvellement des concessions de plage en 2018. Parmi eux, le trio d’Indie Group, Tobias Chaix, Vincent Luftman et Raphaël Blanc, trentenaires du coin bien décidés à redonner à leur ville ses lettres de noblesse. Leur enjeu ? « Casser les codes de la restauration et de la nuit tropézienne pour lui faire retrouver son essence branchée, festive et à la pointe musicalement », souligne Raphaël Blanc. Ils commencent par lancer Indie Beach, une plage festive posée sur la dune aux faux airs de campement bédouin. Puis Pablo, un club en centre-ville avec un line-up pointu de DJ français et têtes d’affiche internationales, et Playamigos qui n’a rien à envier aux plus cool beach-clubs de l’archipel grec. Et enfin La Sauvageonne, un restaurant comme perdu au milieu des vignes de Ramatuelle, à la fois intimiste et festif. Cette année ? Le trio revient avec la troisième édition de son festival musical Indie Fest à la Citadelle de Saint-Tropez, mais surtout avec l’ouverture du Café de l’Ormeau à Ramatuelle. « Un petit joyau du village qui n’avait pas changé de propriétaire depuis des décennies, explique Raphaël Blanc. Une sorte de Sénéquier en plus bucolique où les stars venaient prendre le café le jour de marché. » Fin mai, il devient un petit bistrot type brasserie provençale, ouvert toute l’année midi et soir avec une carte de saison.
PASSAGES DE RELAIS
Joyce Naveau, elle, a repris à Pampelonne la cabane Bambou créée par son père Jacques, avec une vraie dimension éthique et durable orchestrée par l’architecte local Anthony Hugo. Plus en hauteur, on retrouve le Tiggrr, bar et restaurant de l’hôtel Ermitage, cette institution centenaire où l’on vient aujourd’hui tâter le cochonnet et le micro le jeudi soir lors de soirées karaoké avec vue sur le golfe. Enfin, le passage de relais le plus notable reste certainement le rachat de l’Hôtel de la Ponche, adresse mythique de la vieille ville. Bien loin du bling de la jet-set tropézienne, cette pension de famille de luxe a accueilli les grands noms de la littérature et du cinéma français. Et, récemment, a été rénovée par Nicolas Saltiel et liftée par l’architecte d’intérieur milanais Fabrizio Casiraghi. « C’est un lieu historique de Saint-Tropez, avec un storytelling vraiment à part, souligne son nouveau propriétaire. L’idée n’était pas de faire du neuf mais au contraire de faire perdurer l’histoire de la Ponche, ce quartier qui a contribué à magnifier le mythe de la ville. » Boris Vian, Simone Duckstein, Roger Vadim, Catherine Deneuve, Les Pompidou, Kenzo : les noms des chambres à la décoration chinée sont autant d’hommages à leurs visiteurs célèbres. Outre des retraites pensées comme de longs séjours méditatifs, l’hôtel prévoit également un partenariat avec le musée de l’Annonciade, afin de faciliter la rencontre entre leurs clients et la vie culturelle tropézienne. « La culture est une valeur essentielle de Saint-Tropez, avance Nicolas Saltiel ; avec le temps, nous l’avons peut-être un peu oublié. » Nouveauté cette année : la création du Prix La Ponche remis le 20 mai prochain, premier prix littéraire de la ville qui fera revivre l’époque où ce quartier de Saint-Tropez était une annexe de Saint-Germain-des-Prés.
Par Raphaëlle Elkrief