Vaisselle de CHEF
À chaque table, ses céramiques
Ce sont des relations humaines qui permettent de valoriser les savoir-faire et singulariser les assiettes. Les étoilés signent avec les céramistes de fructueuses collabs qui réinventent leur vaisselle.
Par Tanja Stojanov
Une assiette de présentation ingénieuse créée par Magali Barraja pour les tables du Faventia.© DR
Une assiette, c’est évidemment un contenu et un contenant. « Beaucoup de marques proposent aux tables gastronomiques une très jolie vaisselle, mais au final, on se retrouve aussi avec les mêmes assiettes », témoigne Magali Barraja. Après avoir travaillé dans le développement durable, cette céramiste autodidacte a choisi de changer de métier durant la pandémie de Covid-19 et a ouvert son atelier à Tourrettes.
« C’est à cette période que j’ai rencontré le chef Christophe Schmitt, qui venait d’arriver aux commandes du Faventia, le restaurant de Terre Blanche. Il avait vu mes créations sur Instagram », poursuit cette passionnée, qui façonne des grès du Centre de la France pour leur finesse et leur résistance. Dès 2021, sa collaboration avec le chef débute avec la création d’une dizaine de prototypes, déclinés en quatre cents pièces de table. Parmi elles : des soliflores et artichauts décoratifs, un gobelet remplaçant les anciens verres à eau, ainsi qu’une assiette de présentation astucieuse. Exit l’assiette old school qui servait jusqu’ici de décoration, la version inventée par Magali s’ouvre en deux pour devenir un repose-couverts et une assiette à pain. Si certains font le choix de couleurs vives, les pièces ici déclinées revendiquent au contraire leurs nuances claires qui font ressortir les mets, d’autant que la céramiste utilise une quinzaine d’émaux qu’elle a mis au point et crée régulièrement la surprise.
Pour Justin Schmitt, le chef étoilé du Château Eza, attaché à la cuisine méditerranéenne, la créatrice a façonné une vague à mignardises de bleu et d’écume. Et de poursuivre : « Créer ensemble, cocréer, a quelque chose de très authentique, qui sort de l’ordinaire. J’ai mon univers, les chefs ont leurs idées originales, et c’est au final un échange entre deux artisans et artistes, qui s’inscrit dans une démarche de sourcing local. »
Réinventer les formes et couleurs
Pour Le Mirazur à Menton de Mauro Colagreco, Odile Culas-Bonnin a dessiné quant à elle des pièces sculpturales.
« Le chef cherchait une personne qui soit sensible à l’art japonais et j’ai étudié trois ans au Japon. L’idée était au départ de trouver des céramiques pour décorer la table et mes coraux bleus lui ont plu. Ces pièces n’étaient pas à l’origine des assiettes mais il y a vu au contraire des possibilités de création », s’enthousiasme la céramiste installée à Callian et qui a enseigné en DNMADE* au lycée de Vinci à Antibes. Sur ces sculptures, sont ainsi venues se poser des tartelettes aux févettes et à la fleur de thym. Sont nées ensuite des céramiques méduses, pour lesquelles le chef pâtissier du restaurant étoilé a réalisé un dessert. « C’est comme un jeu et ce sont des challenges à relever. Si on ouvre une boîte et qu’il n’y a rien de nouveau dedans, ce n’est pas intéressant. Si en revanche on découvre une nouvelle couleur et une autre sous la boîte, cela crée des émotions », poursuit Odile Culas-Bonnin.
Dans la liste des céramistes qui ont contribué à la vaisselle du Mirazur, on retrouve aussi la créatrice franco-néerlandaise Sarah-Linda Forrer, inspirée par les formes sensuelles des coquillages et qui a œuvré avec plusieurs établissements dans le Sud comme La Villa Madie de Dimitri Droisneau à Cassis ou encore Onice, la nouvelle table de Florencia Montes et Lorenzo Ragni. « Je façonne mes formes à la main et elles sont ensuite fabriquées en porcelaine à Limoges. Hélène Darroze a été une de mes premières clientes, car elle cherchait une forme de coquillage pour son plat signature d’huîtres et c’est une pièce qu’il y avait dans ma collection », se réjouit la créatrice, qui a aussi imaginé un présentoir à tempura sur mesure pour le chef Yannick Alléno et son concept de Pavyllon, décliné en Principauté. Des collaborations enrichissantes donc, entre inspirations et mise en œuvre, qui renouvellent les arts de la table.