Le vrai goût du pain
Pour l'amour du pain,,des artisans engagés
Partie intégrante du patrimoine culinaire, le pain a retrouvé depuis quelques années ses lettres de noblesse, de nos tables à celles des restaurants.
Par Anne Emellina
My Bread, Cogolin
Mama Baker, Nice
Veziano, Antibes
Maître Pierre, Nice
Refusant le déclin du pain, des boulangers ont choisi de se battre pour sauvegarder les savoir-faire de l’artisanat et offrir des produits à la belle typicité gustative. Défenseurs de la tradition, ils travaillent dans le respect des valeurs et des saveurs et, pour un pain digne de ce nom, ils emploient des farines de blé ancien non modifié et du levain naturel. Aucun adjuvant, très peu de gluten, pas de levure chimique qui fait lever la pâte plus vite. Chez Maître Pierre, Christophe Anselmi n’utilise que son levain maison et des farines Label Rouge. Avec son frère Nicolas, ils ont pris la suite de leur père Pierre qui s’était installé en 1978 dans cette boulangerie de la rue piétonne. Ouverte en 1913, elle est la plus ancienne en activité à Nice. Des plages du Negresco ou du Rhul en passant par les tables d’Armand Crespo ou de la Merenda pour qui ils ont créé un pain éponyme au seigle, blé et sarrasin, ils sont très demandés. Depuis 1924, la Maison Veziano à Antibes travaille dans les règles de l’art avec son propre levain élevé depuis 50 ans et des farines bio écrasées à la meule de pierre. « Il y a peu de minotiers et dès que je peux trouver une farine d’exception, je me précipite. La différence, c’est la qualité du blé. » Jean-Paul Veziano qui dit « ne jamais quitter son pétrin des yeux » a acquis la confiance de la Réserve de Beaulieu ou encore du chef Christian Morriset. La lente fermentation (au moins 20 heures) change tout. C’est elle qui donnera un pain non abrasif et digeste explique le Niçois Jean-Marc de Maison Bordonnat qui livre, entre autres, Les Agitateurs. Depuis une trentaine d’années, la croûte de ses produits est très brune grâce à une cuisson parfaite qui provoque caramélisation et développement des arômes. Il est d’ailleurs le mentor du Maître Artisan corso-niçois Michel Fiori d’U Fornu qui, depuis 1984, connaît les secrets d’une belle couleur dorée due également au pétrissage lent sans oxydation : « Le bon pain, on le voit de loin, à sa couleur. Méfiez-vous de la miche trop blanche et calibrée. »
La jeune génération
Stéphane Guedj de My Bread à Cogolin a conquis lui aussi des chefs étoilés comme Arnaud Donckele du Cheval Blanc avec son pain au levain naturel. « Pour un pain comme autrefois, et ce depuis des millénaires, ce sont seulement trois ingrédients : de la farine, de l’eau, du sel et c’est tout. » Dans le Vieux-Nice, les blés anciens sont la spécialité de Zielinska qui ne jure que par le Kamut, la Pétanielle noire de Nice ou l’Engrain. Ces farines paysannes sont aussi la clé des saveurs chez Mitron Bakery à Menton et Monaco où Mauro Colagreco ne travaille qu’avec des blés cultivés en agriculture contrôlée et certifiés bio. Sa philosophie : des pains vivants, durables préparés avec des méthodes dans le respect de l’environnement et des hommes. De la même façon, Céline et Bastien Epeirier ne proposent que du 100 % bio chez Mama Baker à Nice depuis 2015. Farines de graines oubliées pour des pains spéciaux avec une idée première, fabriquer en conscience pour prendre soin de soi.