PROFILES

Spécialiste de la biologie de la reproduction, ce gynécologue-endocrinologue s’est engagé depuis près de 15 ans dans la médecine environnementale et l’étude des perturbateurs endocriniens.

Si l’expression « perturbateurs endocriniens » peut sembler un peu lointaine, elle qualifie une réalité qui nous est pourtant familière et concerne tous les champs de notre vie quotidienne.  « Ces substances naturelles ou de synthèse viennent altérer le fonctionnement physiologique de nos hormones et l’on peut en trouver partout : il y a les bisphénols A et phtalates relargués par les bouteilles en plastique au soleil, les poêles antiadhésives qui libèrent des composés perfluorés, les retardateurs de flamme bromés qu’on retrouve dans les lits et tapis, les composants utilisés pour imperméabiliser les vêtements ou les pesticides comme les insecticides de jardin », détaille le Pr Patrick Fenichel, qui a enseigné pendant des années l’endocrinologie et la biologie de la reproduction à la Faculté de Médecine – Université Côte d’Azur avant de créer le premier diplôme de médecine environnementale en France avec l’Université de Montpellier. « Je ne suis pour autant pas pessimiste et en adoptant des gestes simples, on peut réduire considérablement son exposition, surtout dans des périodes à risque comme pour les femmes enceintes et les enfants en bas âge. Les perturbateurs endocriniens ne sont pas mutagènes mais ils peuvent interférer sur le programme épigénétique des cellules en développement », poursuit ce gynécologue et endocrinologue, ancien chef de service au CHU de Nice et responsable d’une unité INSERM travaillant sur les cancers hormono-dépendants et l’environnement. Parmi les sujets en lien avec les perturbateurs endocriniens, on cite la recrudescence de maladies chroniques comme l’obésité, le diabète, le trouble du spectre de l’autisme et les cancers. « Il y a des cas de plus en plus nombreux de stérilité féminine et masculine. On observe un nombre grandissant d’endométrioses, d’ovaires polykystiques et de ménopauses précoces chez les femmes dont les coiffeuses, du fait de la composition des produits employés. De même que le lien entre exposition aux perturbateurs endocriniens et trouble du spectre autistique chez les enfants d’agriculteurs a également été démontré », poursuit le Pr Fenichel, qui sensibilise dans la région les professions paramédicales à ces enjeux majeurs. Et d’ajouter : « Il faut savoir que ces perturbateurs s’accumulent dans la graisse comme dans la viande, le poisson, le lait ou les œufs, et du coup chez la femme enceinte et son fœtus. Il est donc recommandé d’éviter de repeindre la chambre de bébé juste avant son arrivée, sachant qu’il est difficile d’avoir une liste exacte des composants qui entrent dans les peintures, et de ne pas choisir un sol en linoléum ou en PVC car cela multiplie par deux le risque de crises d’asthmes. De même, il est conseillé de laver les vêtements neufs avant de les porter, d’être vigilant à propos des produits d’entretien qu’on utilise en privilégiant plutôt le vinaigre et les savons simples, et d’aérer surtout les pièces de la maison au moins 10 minutes par jour. Plus généralement, on ne le répétera jamais assez mais il faut privilégier les aliments locaux simples plutôt que les produits transformés et dans les cosmétiques, préférer les écolabels sans paraben. » De bons réflexes, qui font du bien au quotidien.