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De la création de produits originaux aux nouvelles technologies de l’information et la communication, les entreprises azuréennes sont un véritable atout de la région. Economie, banque, immobilier, urbanisme, architecture… cette rubrique se place au plus près des initiatives et transformations de nos villes. Ici, le concours ArchiCOTE vient également tous les ans récompenser les projets d’architectes les plus engagés et inscrits dans leur territoire.

septembre 2023

Cab Architectes

La leçon du Sud

Distingué par le Prix spécial du jury du concours ArchiCOTE, ce collectif d’architectes, formé à Nice en 2002 et installé désormais à Paris, signe des projets engagés et porteurs de visions d’avenir.

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© Serge Demailly Bita Azimi, Jean-Patrice Calori, Marc Botineau.

Cest l’histoire d’une rencontre amicale, d’un trio assez hybride en termes de génération et culture. « Jean-Patrice Calori avait débuté son activité avant nous, puis nous l’avons rejoint avec Marc Botineau. Nous avons lancé cette agence dans un état d’esprit assez tribal, une ambiance amicale et familiale. Même si l’échelle de nos projets a changé, nous essayons de préserver cette façon de travailler des débuts », se réjouit l’architecte Bita Azimi, venue de Téhéran. « Nous nous sommes lancés ensemble dans l’aventure comme un groupe de rock, avec des personnalités qui s’ajoutent et une production différente de notre travail personnel », s’amuse l’architecte Jean-Patrice Calori, né à Monaco et qui a apporté son expérience au collectif. Les CAB reconnaissent une filiation avec des architectes qui les ont précédés tels que Pierre Fauroux, Pierre-Louis Faloci et Marc Barani. L’essence de leur démarche, à contre-courant des bâtiments signature d’architectes stars : le rêve un peu fou qu’il est possible de créer des communs, un idéal prémonitoire d’ailleurs puisqu’il séduit de plus en plus les jeunes générations. Une approche en tout cas porteuse pour l’agence, qui a décroché le Prix de l’Équerre d’Argent pour son Pôle petite enfance de La Trinité en 2012, et dont le Complexe sportif de l’Ariane à Nice, le Pôle universitaire de l’ENSAE à Saclay et l’Institut de la mer à Villefranche-sur-Mer ont été shortlistés pour le Prix Mies van der Rohe d’architecture européenne.  

De l’Orient à l’héritage méditerranéen

« Depuis toujours, Nice a rassemblé des cultures qui ont laissé leur empreinte sur l’architecture. L’idée n’est donc pas de s’imposer mais d’imaginer un fond de scène qui propose des façons d’habiter, avec des éléments simples et caractéristiques comme les loggias sur la mer », poursuit Bita Azimi. « La poésie de la Côte d’Azur fait partie de nos références et les ouvrages d’art, les viaducs et murs de soutènement contribuent à cette singularité. Ce sont des éléments qui renvoient à la pente, un des trois fondamentaux de ce pays avec le rapport au ciel et à la lumière, qui contribue à la dramaturgie du Sud », poursuit Jean-Patrice Calori. Dans les premières réalisations de CAB Architectes, on retrouve ainsi « La Coualla » à Eze, sur un terrain très en pente avec une vue imprenable. « Je suis très influencée par l’architecture persane et nous avons pensé ce projet comme une ascension du sol vers le ciel, jusqu’à la cinquième façade. Au lieu de faire une seule maison, nous avons plutôt réfléchi en termes de densités, en créant huit appartements dont trois duplex villa. Le fait de déplacer de la terre et s’installer sur un sol n’est pas anodin. Nous souhaitons proposer aux gens des logements semi-collectifs assez qualitatifs pour les détourner de la villa individuelle », ajoute Bita Azimi avec vitalité.   

Seuils et parcours dans le paysage

Côté équipements, c’est dans cette même écologie contextuelle que le trio a pensé le Pôle petite enfance de La Trinité. Un projet dont l’infrastructure a fondamentalement déterminé la structure. « L’usage du béton a été pour nous une question de bon sens, dans la mesure où il y a des carrières et cimenteries proches des lieux, explique Jean-Patrice Calori. Pour l’école maternelle de Villefranche -sur-Mer, grâce au système suisse Cobiax, un plancher alvéolaire a été coulé sur place et nous avons pu dégager de grandes salles peu contraintes. Ces deux édifices aux espaces assez indéterminés, pourront changer de destination si les besoins évoluent. » De même pour l’Institut de la mer conçu à Villefranche-sur-Mer, c’est une poutre habitée qui vient libérer un vide vers la vue tout en ménageant des espaces de fraîcheur en retrait. Au delà du rapport au grand paysage, il s’agit ici de souligner que les arrières de bâtiments peuvent devenir des espaces poétiques. « J’ai toujours eu peur de la crise de la façade, ironise Bita Azimi. Dans notre démarche, c’est donc à l’inverse la structure qui dessine le projet, et tous les percements sont issus de ce système ». Et Jean-Patrice Calori de conclure : « Le Sud a ainsi été pour nous une vraie leçon et c’est à partir de ces bases que nous développons également des projets aujourd’hui sur d’autres territoires. Pour l’Ensae Paritech, nous avons ainsi imaginé un pavillon constitué d’une exo-structure en acier. A l’image de l’architecture des cloîtres, c’est un bâtiment tourné vers l’intériorité. Ce projet sans clôture valorise les seuils et propose un parcours dans le paysage, dans un rapport permanent avec le sol et le ciel. »

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L’Institut de la Mer à Villefranche-sur-Mer, adossé à la pente et qui regarde l’horizon.
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Les logements en bande à Eze, une petite densité avec d’étonnantes paupières métalliques qui protègent du soleil.
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Le Pôle Petite Enfance à la Trinité, un équipement de proximité générant un espace public et lauréat du Prix de l’Équerre d’Argent 2012
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Le pôle Universitaire de l’ENSAE, un pavillon dans le campus de Saclay. (Sélectionné dans les 40 du Prix Mies van der Rohe 2019).© Aldo Amoretti
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Le Futsal de l’Ariane, un petit temple du sport entre ville et fleuve, entre sol et ciel. (Sélectionné dans les 40 du Prix Mies van der Rohe 2017).

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