David de son prénom. Un quadragénaire au look d’adolescent. Sa progéniture, Flexo, a le vent en poupe. Une réussite fulgurante pour ce sculpteur hors des paillettes et des normes.
Tout débute comme un conte de fées ordinaire. Au commencement, il y a un jeune homme pris dans la spirale « métro, dodo, boulot », un quotidien que tout un chacun exerce plus ou moins de bonne grâce. Ça, c’est pour le côté recto. Coté verso, il y a l’artiste, certes en germe, mais déjà présent dans les gênes de cet adolescent épris de matière. « J’étais plutôt du genre tranquille lorsque j’étais enfant. Je m’amusais à sculpter pendant tout un après-midi des corps d’homme et de femme dans le sable. » La fibre artistique en éveil, il ne cherche pas à suivre vraiment la filière « Beaux-Arts » et autres grandes écoles. C’est un autodidacte qui se découvre sur le tard. « Je n’ai jamais souhaité devenir un artiste. Les aléas de la vie l’ont voulu autrement. » Les années passent. L’insouciance de la jeunesse aussi... À vrai dire pas tout à fait. Ses doigts ont besoin de pétrir la matière. Pour cela, il lui faut des modèles. « Beaucoup de mes amis se sont prêtés volontiers au jeu. J’avais une réserve d’argile que je sortais lors de soirées improvisées. Mais là encore, je ne comprenais pas que je pouvais en faire un métier. » Il entreprend très tôt une formation dans la restauration puis, au gré de cadences infernales, gravit les échelons jusqu’à devenir adjoint de direction. « Je saturais. J’étais à un tel point d’overdose que je ne pouvais plus assumer. »
Devenir sculpteur
En 2003, il abandonne carrière, stress et pression pour une terre qui lui est encore inconnue : la Guadeloupe. Le conte de fées prend une nouvelle tournure, un nouveau rythme. Au gré de boulots alimentaires, il parcourt l’île, découvre des bois précieux, les sculpte jusqu’à y consacrer la majeure partie de son temps. Son entourage, loin d’être insensible à ses œuvres, le pousse à persévérer. « C’est l’un de mes patrons, avec qui j’entretenais de bonnes relations, qui me fait ouvrir les yeux. Au vu de certaines de mes sculptures sur photos, il pensait que je perdais mon temps avec lui. J’ai suivi son conseil. » Une nouvelle ère s’annonce. Il travaille d’arrache-pied, réalise des dizaines de corps et de visages dans des bois lisses et polis. David Zeller est enfin sur les rails. Ses sculptures oscillent entre une facture ethnique et classique. Elles trouvent très vite une clientèle. Nous sommes en 2007 et sa première exposition est un succès. La chance du débutant ? Celle-ci s’avère plutôt perspicace lorsqu’en juillet 2008, le maire de Petit-Bourg lui demande de créer une œuvre remise à Lilian Thuram. Quelques mois plus tard, sa première vente aux enchères lui permet d’être référencé dans les fichiers d’Artprice, leader mondial des banques de données sur la cotation des artistes. « J’ai compris, à ce moment-là, que je pouvais vivre de ma sculpture et la promouvoir sur le continent. J’ai rapatrié la quasi-totalité de mes œuvres en Alsace – il est né à Mulhouse, N.D.L.R. Coup de chance, tout a été vendu lors d’une expo. Ce qui m’a permis de quitter la Guadeloupe et de m’installer en Italie dans les Abruzzes. »
Ainsi est né Flexo
Confiant en sa bonne étoile, il décide d’expérimenter de nouveaux matériaux, d’étudier l’essence même du mouvement en se débarrassant d’un esthétisme parasite. « Je suis avant tout un comportementaliste. Selon moi, il est possible de retranscrire toutes les émotions, de tout dire juste à travers une gestuelle. » Très tenté par la neutralité du Plexiglas, il s’attelle à recycler des chutes industrielles pour en extraire dans un premier temps des lampadaires et du mobilier. Un moment propice pour créer son label design ZED, diminutif de David Zeller à l’envers. Mais son œuvre la plus personnelle, il la doit à Flexo, un personnage neutre, à la silhouette unique né en décembre 2010, synthèse de ses réflexions sur le mouvement. « Il y a du Flexo en chacun de nous » ajoute-t-il. Chacune de ses postures s’élabore par thermoformage à la main. Une technique qui consiste à prendre un matériau, à le chauffer pour le ramollir, et à profiter de cette ductilité pour le mettre en forme. Aujourd’hui, le Flexo comptabilise 25 expositions annuelles, à raison de 1 400 pièces vendues par an. Une manne providentielle amplement méritée.
Par Harry Kampianne