Période cruciale de l’histoire de la mode, les 60’s n’ont de cesse d’inspirer les créateurs. Comme une joyeuse ritournelle, les voici de retour sur le devant de la scène. Valérie Taieb, historienne de la mode, fait le point.
Les sixties, en vrac, c’est la mini-jupe, les bottes plates, le vinyle, les collants colorés, les lignes futuristes, les premiers tops comme Twiggy, l’allure baby doll, le Swinging London, la bonne humeur et la liberté. « Tout est possible ! » semble clamer la jeunesse d’après-guerre. « Les années 60 représentent la plus grande révolution du style. Ce n’est plus l’élite qui dicte la mode, c’est la rue », explique Valérie Taieb. En une décennie, la jeunesse du baby-boom va transformer, à tout jamais, la silhouette et la manière de consommer la mode. La révolution des apparences se fait avant même la révolution sociale de 1968. « Avant, il n’y avait pas de proposition pour les adolescents. On passait des vêtements d’enfant à ceux d’adulte, sur mesure et onéreux. À l’âge d’or du cinéma hollywoodien, on voit James Dean et Marlon Brandon porter des jeans, les starlettes en corsaire et les prémices du sportswear… » Durant cette période faste, les femmes travaillent et les adolescents vont dépenser leur argent de poche dans les premiers concept stores venus de Londres.
Un effet thérapeutique
Le prêt-à-porter explose au détriment de la couture. Balenciaga, persuadé qu’il n’y a plus de place pour la haute couture, ferme la maison. Clairvoyant, Yves Saint Laurent lance sa ligne Rive Gauche, plus accessible. « L’offre se diversifie tandis que les codes sociaux s’allègent. On entre alors dans la consommation de masse, on s’offre des vêtements déjà confectionnés que l’on peut porter immédiatement. » Mais la révolution est aussi dans la façon de penser et de fabriquer la mode. « André Courrèges, couturier chez Balenciaga et ingénieur, veut créer de manière industrielle. Comme Pierre Cardin, il invente un style qui ne fait aucune référence au passé. Coupe enfantine, couleurs acidulées, nouveaux matériaux et aisance du corps collent à cette époque portée par le progrès. L’homme commence son aventure spatiale et il se sent capable de tout ! » Dans cet élan, la mode est confortable, pratique mais sophistiquée. « Sa joie de vivre a un effet thérapeutique. On enfile une robe et on se sent bien », souligne l’experte. Pas étonnant que son optimisme séduise toujours. « Porteuse des valeurs de jeunesse, de gaîté et de modernisme, la mode des années 60 a un côté arty, facile à adopter et à mixer. » Mais comment se traduit cette inspiration en 2014 ?
Imprimés psychédéliques
Promesse de bonne humeur dans la grisaille automnale, la palette fuse en fuchsia, rouge, jaune, vert ou bleu. Il n’y a qu’à observer la nouvelle collection Prada. Sous l’impulsion de Miuccia Prada, la peau lainée se réinvente en violine, rouge ou jaune, et l’imprimé psychédélique des papiers peints s’invite sur les robes délicates, les manteaux et même les petites culottes visibles en transparence, sous la mousseline. Chez Chloé, le jacquard est stimulé par des touches flashy et la soie se pare de motifs géométriques. Paul & Joe égaie la garde-robe d’un puzzle multicolore tandis que la mini-jupe se réalise dans un tartan lumineux. Chez Valentino, Maria Grazia Chiuri et Pierpaolo Piccioli esquissent une silhouette joyeuse à renfort de pois de différentes tailles. L’imprimé pop s’illustre sur un trench, une jupe midi ou une cape. L’esprit sixties plane sur la garde-robe pour culminer au détour d’une jolie robe trapèze rose flashy. Cette même « A-line » se décline à l’infini chez Gucci, dans une palette pastel chère aux baby dolls.
Moon Girl
Sous l’œil rock d’Hedi Slimane pour Saint Laurent, la robe mini s’électrise de clous ou de paillettes, tandis que chez Miu Miu, elle additionne les codes du sportswear. Même les jeunes pousses s’en donnent à cœur joie. Pour sa marque Jacquemus, Simon Porte convoque la cosmique Moon Girl de Courrèges, de 1964. Les premiers looks de sa collection femme enfant se jouent en néoprène blanc. Lignes pures et arrondies, les silhouettes évoluent pour se parfaire en éclat de jaune poussin ou de rouge vermillon. L’avant-gardiste Giles Deacon s’approprie le pantacourt taille basse qu’il revisite en cuir matelassé, à assortir d’une tunique trapèze orange vitaminé. Enfin, dans cet exercice de style, saluons le talent de Guillaume Henry chez Carven. Le designer féminise la coupe minimaliste. Manteau léopard ou imprimé de motifs abstraits et robes patineuses d’héroïnes de SF dévoilent les jambes. Pour assumer la panoplie chatoyante, les gambettes les plus pudiques épouseront les incontournables cuissardes.
Par Julie de los Rios