Stéphane Cipre
Artiste foisonnant
Vous avez certainement croisé ses lumineuses Fiat 500 place Guynemer à Nice ou à Valberg… Artiste discret, Stéphane Cipre est présent dans les galeries et chez les collectionneurs du monde entier.
Par Milena Radoman

Love 90 Saint-Tropez, une sculpture sanglée qui montre que tout est consommable… Photos © D.R.

« J’ai besoin de mon bleu de travail, c’est ma transformation ». Comme un super héros?
Dans son atelier situé en pleine zone industrielle de Saint-André-de-la-Roche, Stéphane Cipre réalise ses œuvres de A à Z. Cette caverne d’Ali Baba de 150 m2 renferme quelques sculptures sur le point de rejoindre une galerie ou la demeure d’un collectionneur, un cairn – ce petit amas de pierres – avec la latitude et la longitude exactes de l’entrepôt, mais surtout tout ce qui permet de procéder à la fonte à la cire perdue et la fonte au sable… Ici, des lingots d’aluminium et de bronze sont prêts à être coulés selon des techniques ancestrales avant que chaque pièce soit reliée, grâce à « la Rolls du fer à souder ». Là, une machine à coudre permet de travailler le cuir du mobilier designé. « Il faut savoir tout faire », lâche l’artiste, en bleu de travail.
Né en 1968, Stéphane Cipre a commencé par façonner le tissu, la fourrure ou le cuir. Un CAP de styliste modéliste en poche, le jeune homme a rejoint l’entreprise familiale avenue Georges Clemenceau à Nice, en tant que « quatrième génération de fourreur ». Avec son père, meilleur ouvrier de France, il apprend « le goût du travail soigné », réalisant quelques modèles pour Chacok et Yves Saint Laurent. Passionné par la fonderie et la soudure, il suit les cours du soir à l’Ecole du Louvre et la Villa Thiole, étudie les Beaux-Arts et l’Histoire de l’Art. Une première exposition autour de l’art de la table à Aix-en-Provence suscite l’intérêt d’une galerie. Cet admirateur de César et Arman abandonne la mode pour la sculpture, impose son style en même temps qu’il prend une revanche sur la vie. Ses anciens professeurs le traitaient de cancre en raison de lacunes en orthographe ? Peu importe. Comme un défi, il place l’écriture au centre de son travail, joue avec les lettres de l’alphabet, les assemble, les tord, les dilate, afin qu’à travers les mots sculptés apparaisse le sujet qu’ils désignent… Qu’il s’agisse d’un animal (Vache, Chien, Requin) ou d’une Chaise. Cette dernière œuvre fera d’ailleurs la Une du New York Times et se retrouvera sur l’affiche de l’Art Design Fair…
Art-marchandise
Marqué par la disparition des commerces de proximité et des artisans liée à la mondialisation, le sculpteur travaille également la notion d’« art-marchandise ». Ses sculptures ART et LOVE sont « sanglées, comprimées, séquencées ou sur des palettes de transport », afin de montrer que rien n’échappe à la société de consommation et que tout est produit, acheté et transporté. « Je me suis inspiré des ballots chinois », explique Stéphane Cipre, dont le Made in China a remporté le prix Matisse de la Biennale d’Art Contemporain UMAM.
Artiste foisonnant, ce père de trois enfants – Séraphin, Emmy et Romane – ne connaît pas le syndrome de la page blanche. Après avoir portraitisé, avec des lamelles de métal superposées et colorées, des icônes comme le Che, Mao, Gandhi ou la princesse Grace – offert par le Palais Princier de Monaco à Nelson Mandela –, le sculpteur a démarré une série inspirée de l’histoire de l’art, du pop art à l’Art sacré. En plus de ses partenariats avec le chocolatier LAC et le joaillier Ferret, il n’hésite pas à s’attaquer au mobilier et réalise des tables de jeu en laiton ou aluminium et une table basse « très James Bond » qui se transforme en billard sur commande. « Pour l’instant ce sont des prototypes. Un billard (40 000 euros), c’est un mois de travail, tout est ganté de cuir, de l’intérieur des casiers aux chemins de boules », souffle l’artiste qui présentera ses modèles au Cannes Yachting Festival en septembre. Stéphane Cipre a également réalisé le baby-foot artistique le plus cher au monde dont les joueurs sont vingt-deux légendes mondiales, Platini, Maradona, Beckenbauer, Buffon ou encore Eusebio. Il a été vendu plus de 80 000 euros à un collectionneur. Avis aux amateurs : l’artiste en a créé un autre, en s’inspirant de la finale Espagne/Pays-Bas de coupe du monde en Afrique du Sud.
Depuis 7 ans, il est épaulé par Gilles, un ancien bijoutier formé à la fonderie. « C’était la personne idoine. Il m’a permis de me concentrer sur la création pure. » Ils rejoindront bientôt ensemble un atelier plus grand à Peille sur un terrain de 2 000 m2 pour continuer de créer et d’innover. « Je me sens comme un jeune artiste, le meilleur est à venir… », confie-t-il en souriant.

Liberty, un hommage à la statue de la Liberté.

Stéphane Cipre avait déjà réalisé le baby-foot artistique le plus cher au monde avec 22 légendes du ballon rond pour joueurs. Voici Stadium, avec la finale de la coupe du monde 2010 Pays-Bas Espagne en Afrique du Sud (160x100x95 cm, aluminium, pièce unique).
