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PORTRAITS

Ils sont artiste, cheffe étoilée, designer ou apiculteur, pilote automobile ou créatrice de mode. Leur point commun ? Ces personnalités glamour ou au cœur de la vie culturelle, économique et sociale régionale sont les moteurs de l’actualité azuréenne. Découvrez sans filtre le témoignage de leur parcours, leurs rêves, leurs ambitions et leurs projets à venir.

décembre 2021

Anne-Laure Wuillai

  • Rêver le ciel et l'eau
  • J’aime à questionner nos manières d’habiter le monde »
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© Jean-Michel Sordello

« Qui n’a pas eu un jour, lors d’une promenade dans la nature ou d’un voyage à l’étranger, l’élan de ramener avec lui un souvenir, un fragment, pour chez soi », interroge Anne-Laure Wuillai. Diplômée des Beaux-Arts de Paris, elle a choisi de quitter la densité urbaine parisienne pour la Côte d’Azur, travailler à proximité de la mer et des sommets en collaboration avec les artistes, acteurs scientifiques et culturels locaux. Ici, dans son atelier aux allures de laboratoire de chimiste, hébergé à la Station à Nice, elle conserve des fragments de Méditerranée prélevés dans un geste performatif, onirique et sauvage, archivé en photo. Imprégnée de la démarche de Georges Perec, qui contribua au renouveau du matériau littéraire en hissant les listes et inventaires au rang de récit, cette plasticienne représentée par la Galerie Eva Vautier développe une démarche entre science, poésie et ironie. « J’aime à questionner nos manières d’habiter le monde, les normes que nous produisons pour tout mettre à notre échelle. Cette façon que nous avons de domestiquer l’eau et le ciel aussi, des éléments dont l’immensité pourtant en tout point nous dépasse », poursuit l’artiste, qui a choisi donc de forcer le trait de la classification jusqu’à l’absurde, pour mieux nous interpeller sur nos façons d’appréhender, catégoriser et consommer notre environnement. Tantôt dans sa série Hyper-conditionnement, elle remplit un caddie plein de poches d’eau de mer, tantôt dans sa série Les artificiels, elle crée du mobilier mettant en mouvement des vagues flashy, renvoyant aux clichés qu’on se fait de la couleur de l’eau. Dans un geste éminemment poétique, elle décline les cinquante-trois nuances de bleu du ciel identifiées par Saussure pour son cyanomètre, l’un des premiers instruments météorologiques. Elle imagine des boules à neige où dansent des déchets plastiques du littoral, ou des cartes postales gorgées d’eau, comme des souvenirs emportés… mais pour combien de temps ? Par le grotesque, elle sort ainsi du geste militant pour produire un œuvre, qui se rit avec espièglerie des cases de l’esprit et invite à rêver une autre relation à l’eau, au ciel et à la terre, ce corps vivant.

Par Tanja Stojanov

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