octobre 2013

JÉRÉMY TABURCHI

  • Artiste « à tiroirs »
 
taburchi01
 taburchi02

 Parcours atypique, look passe-partout, statuts multiples, cet artiste niçois trentenaire n’entre pas dans les cases, et c’est tant mieux ! Plasticien, auteur, éditeur à ses heures, il vient de signer une BD remarquée.

C’est Michel Bounous, directeur de la maison d’édition Baie des Anges, qui lui a remis le pied à l’étrier en lui passant commande. C’est d’ailleurs par cette anecdote que commence Dr Chat Rose et Mister Strange, une histoire sur la double identité. Le Chat Rose, c’est ce personnage créé par Jérémy aux alentours des années 2000, à la fois mignon et pervers. « Une expression de mon propre caractère sans doute » s’amuse l’artiste, qui met son chat en scène sur de nombreux supports : toiles, sculptures et bandes dessinées. La première d’entre elles, un recueil de strips paru en 2009, commentait l’actualité. Celle qui vient de paraître, à la fois drôle et impertinente, est scénarisée. « Je ne voulais pas d’un objet de com. J’ai cherché à raconter une histoire qui s’inscrive dans ma logique artistique, dans mes recherches créatives. Je l’ai réalisée de façon spontanée, en me laissant guider par mon imaginaire et mon personnage » confie l’auteur. Véritable support d’expression, ce personnage – « rose parce que c’est une couleur fun » – permet de « faire passer des messages plus facilement, en s’adressant à l’enfant enfoui dans chaque être humain ». En tant qu’artiste local, Jérémy a spontanément ancré son récit à Nice. On y perçoit des références à des événements marquants de la région et on y découvre quelques insultes que l’on n’entend qu’ici. Pourtant, il ne faut pas y voir de démarche identitaire : « Utiliser des mots de Nissart participe à l’atmo­sphère et permet de parler des gens du cru, de ce territoire par­ticulier. Je n’ai pas une âme de Don Quichotte. Mon travail s’apparente plutôt à celui d’un caricaturiste. »

L’art, une aventure
Informaticien de formation, Jérémy est un autodidacte pur. Issu de la classe moyenne, enfant unique, un peu solitaire, il « n’aimait pas le foot ! ». Il s’est alors mis à dessiner puis à explorer la peinture en tant que matière dès l’âge de 14-15 ans. De son expérience acquise auprès d’un décorateur d’intérieur, c’est aussi le travail autour des matériaux qu’il retient. Mais il ne se contente pas d’utiliser un seul moyen d’expression : « Un artiste peut toucher à tout. L’enfermer dans une catégorie est contradictoire avec ce qu’il devrait être : un aventurier ! Faire sauter des barrières permet de faire évoluer la société. La tradition, que je respecte, c’est autre chose. Cela fait partie de l’histoire de chacun, ce sont nos racines. » C’est dans cet esprit d’ouverture que l’artiste touche-à-tout a créé Lou Can, littéralement « le chien » en Niçois, mais aussi l’abréviation de Chronique Artistique Niçoise, une revue littéraire et artistique. L’idée ? Offrir un support inédit aux créateurs locaux, sans censure, avec pour seule contrainte le respect du thème retenu (« la vague » pour celle parue au printemps, « le futur » pour l’édition de cet automne). Cette publication a permis de « créer des relations entre artistes, de constituer des groupes, d’ouvrir les portes de la peinture à des auteurs, ou celles de l’écriture à des plasticiens ». Jérémy Taburchi endosse donc le rôle d’éditeur pour cette revue qui « amène les gens à sortir de leur caverne, de leurs habitudes ». Un peu dans la tradition de la Revue blanche ou de Dada. Une véritable démarche engagée pour la liberté d’expression, soumise à un fort investissement personnel.


En recherche permanente
Hyperactif, celui qui vit aussi grâce à l’entreprise de graphisme qu’il a fondée il y a maintenant 10 ans, ne cesse de se remettre en question : « Je refuse de faire deux fois la même œuvre, même si cela peut s’avérer lucratif. Je continue à expérimenter. Ma prochaine exposition utilisera de nouvelles technologies, des matériaux et des supports inattendus. Le Chat Rose en sera toujours le thème central, mais sous une forme renouvelée. » Les projets et les idées fusent. C’est plutôt le temps qui manque. Du temps pour « écrire le numéro 2 des Artistes sous Antibios (2010, Éditions Baie des Anges), un recueil de 14 véritables fausses biographies d’artistes niçois rédigées sur un ton surréaliste et humoristique, dont on me parle encore aujourd’hui ». Une approche originale, permettant « de faire des clins d’œil à certains traits de caractère des artistes cités au travers d’une identité inventée ». Un ouvrage témoignant d’une curiosité insatiable qui ne cesse de nourrir la nôtre.


EXPO

Les planches originales de Dr Chat Rose et Mister Strange sont visibles tout le mois d’août à l’atelier Franck Michel, une galerie d’art contemporain ouverte récemment dans le quartier des Antiquaires, au 28 rue Ségurane, à Nice. www.latelierfranckmichel.fr - www.taburchi.com

Media