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PORTRAITS

Ils sont artiste, cheffe étoilée, designer ou apiculteur, pilote automobile ou créatrice de mode. Leur point commun ? Ces personnalités glamour ou au cœur de la vie culturelle, économique et sociale régionale sont les moteurs de l’actualité azuréenne. Découvrez sans filtre le témoignage de leur parcours, leurs rêves, leurs ambitions et leurs projets à venir.

octobre 2016

Guillaume Gallienne

  • Une vie d’artiste
 
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 Acteur, scénariste, réalisateur et sociétaire de la Comédie-Française, Guillaume Gallienne multiplie à 44 ans les rôles avec talent, des planches au grand écran.
© Luc Roux

Le plus célèbre des sociétaires de la Comédie-Française, sur scène actuellement dans Les Damnés*, vient à peine de donner le clap de fin de son deuxième long-métrage, Maryline. Il évoque pour nous le personnage de Cézanne, son plus beau rôle, pour lui, à ce jour.

 

C’est une anecdote peu connue sinon des spécialistes. Paul Cézanne et Émile Zola furent amis d’enfance (à Aix-en-Provence) et restèrent très proches pendant une large partie de leur vie. L’intensité dramatique de leur relation, pareille à une passion amoureuse, se retrouve au cœur de Cézanne et moi de Danièle Thompson (sur les écrans depuis le 21 septembre), dans lequel Guillaume Gallienne interprète Cézanne au côté de Guillaume Canet dans le rôle de Zola. Basé sur des faits réels, le film se concentre sur les difficultés que rencontrèrent les deux grands hommes à mener de front leur destin d’écrivain et de peintre, parallèlement à leur histoire d’amitié.

 

Épopée
« Danièle Thompson me voyait en Zola, moi pas. J’avais le sentiment d’avoir déjà joué ce genre de personnage en incarnant Pierre Bergé dans Yves Saint Laurent de Jalil Lespert. Celui qui a du recul, celui qui a de la sagesse, celui qui encaisse les attaques du maniaco-dépressif – car certainement Cézanne serait aujourd’hui diagnostiqué comme tel (rires). Cette fois, c’est moi qui ai eu envie de jouer le maniaco-dépressif ! Plus sérieusement, le scénario était magnifique. Danièle s’est transformée en historienne de l’art pendant plusieurs années. La scénariste intelligente qu’elle est n’a pas opté pour un biopic classique, mais choisi de raconter l’épopée d’une amitié unique entre deux artistes qui se sont connus adolescents et qui, une fois adultes, ne parviennent pas à maintenir leurs liens profonds. »

PaysagesC« J’ai tout de suite aimé ce personnage formidablement complexe, rêche, âpre, colérique – ça, je connais bien (sourire) – mais aussi intègre et libre ; très atta-chiant, quoi ! Ce qui l’intéresse, ce n’est pas un territoire, ce sont des paysages, de peindre non pas les arbres mais le vent... Il n’est pas sûr de lui mais il est sûr de son art. Contrairement à son ami Émile qui va connaître la gloire très vite, Cézanne ne connaîtra jamais le succès de son vivant. Le premier est allé vers le réalisme, l’autre vers l’abstraction. Pas étonnant que leurs chemins se soient séparés ! »

 

Humilité
« Je connaissais très mal l’œuvre de Cézanne. Sept ou huit mois avant le tournage Danièle m’a fait rencontrer un de ses amis, l’artiste marseillais Gérard Traquandi qui m’a aidé à établir un rapport avec la toile, le sujet, à tenir un pinceau, à me positionner devant un chevalet... Ensemble, nous sommes allés au musée d’Orsay pour constater l’évolution de la peinture de Cézanne. Face à une de ses toiles de jeunesse, je lui ai dit “C’est une croûte, non ?” Ce à quoi Gérard a rétorqué “Oui, tu as raison mais on voit déjà l’humilité”. Une autre fois, j’étais dans son atelier et me regardant m’exécuter, il m’a dit : “ T’as un seul défaut, tu veux remplir trop vite...” Il parlait de peinture et moi, je pensais à mon jeu d’acteur... Parfait pour avancer ! (rires) »

 

Ressenti
« Rendre crédible, dessiner au mieux mon personnage, était très important, bien sûr. Côté préparation, j’ai longuement travaillé avec Dominique Colladant – ma seule demande sur ce film – sur le maquillage et aussi les costumes avec Catherine Leterrier, mais je n’ai pas souhaité “trop” me documenter sur le sujet. Je voulais entrer dans cette histoire à travers le regard de Danielle. C’est presque toujours le cas d’ailleurs, je cherche plus le ressenti que l’exactitude des faits. »

 

Errances
« Cézanne est pétri de doutes mais il est opiniâtre. De mon côté, si le doute me quittait, j’arrêterais tout de suite ce métier ! Une chose que j’adore dans le film, c’est quand Cézanne parvient enfin à mettre la touche finale à une de ses toiles après tant d’errances. Il est comblé. Aujourd’hui, on fait tellement de choses en même temps, on téléphone en mangeant, on lit en regardant la télé, on n’arrête pas de se démultiplier pour faire quoi au final ? Le film raconte aussi cela, combien le temps est nécessaire à la création. »

 

Être
« Difficile de formaliser cette sensation mais avec ce rôle, j’ai le sentiment ou plutôt l’impression que quelque chose de solide s’est mis en place depuis, pour moi... Sur le tournage, Danièle m’a fait ce beau cadeau de ne pas couper systématiquement, de laisser tourner la caméra. Donc, je faisais, je faisais, je faisais, et au bout d’un moment je n’avais plus rien à faire, je n’avais donc plus qu’à être. J’ai été comme rarement dans ma vie d’acteur. Il y a eu quelques moments de grâce dont je me souviendrai toujours. Cela ne se dit pas mais je pense que je n’ai jamais aussi bien joué de ma vie. »

 

* Jusqu’au 13 janvier 2017, Les Damnés de Luchino Visconti, mis en scène par Ivo van Hove, unanimement salué par la critique et le public, lors de sa création le 6 juillet dernier au 30e Festival d’Avignon.
Comédie-Française,
1 place Colette, Paris 1er

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