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PORTRAITS

Ils sont artiste, cheffe étoilée, designer ou apiculteur, pilote automobile ou créatrice de mode. Leur point commun ? Ces personnalités glamour ou au cœur de la vie culturelle, économique et sociale régionale sont les moteurs de l’actualité azuréenne. Découvrez sans filtre le témoignage de leur parcours, leurs rêves, leurs ambitions et leurs projets à venir.

décembre 2019

Muriel Mayette-Holtz

  • Grandir ensemble avec le théâtre
  • Joyeuse et spontanée, elle a été la première femme à la tête de la Comédie française puis de la Villa Médicis. Elle est aujourd’hui la nouvelle directrice du Théâtre National de Nice. Rencontre.

 

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« Le théâtre est ce lieu magique où l’on peut vraiment entendre les mots », témoigne Muriel Mayette-Holtz, qui convie le public à venir assister une fois par mois à des ateliers de prise de parole.

Joyeuse et spontanée, elle a été la première femme à la tête de la Comédie française puis de la Villa Médicis. Elle est aujourd’hui la nouvelle directrice du Théâtre National de Nice. Rencontre.

Avant d’assumer des fonctions de direction, vous avez été, et êtes d’ailleurs toujours, comédienne. D’où vous vient cet amour pour les planches ?
Je n’ai pas eu à me poser de question car c’est une passion qui s’est imposée à moi très jeune et elle a naturellement pris toute la place. J’étais pourtant très douée à l’école mais j’avais peur de m’inscrire dans un chemin de vie tout tracé (rires). Grâce à un concours interscolaire, je suis donc entrée au Conservatoire de Versailles à 14 ans. Paul Eluard le disait très bien : « Il y a d’autres mondes mais ils sont dans celui-ci ». J’ai parfois regretté d’avoir arrêté l’école mais quand on grandit avec les auteurs, une bibliothèque dans le cœur, c’est un enseignement majeur dont on prend forcément une part physique. Le théâtre m’a ainsi permis de faire grandir dans ma vie ce rêve éveillé, c’est un autre monde tellement vaste à explorer, où chaque instant est intense et où je me sens vivante. Nous ouvrirons d’ailleurs la saison 2020 en septembre avec Les Enfants terribles de Jean Cocteau, une pièce dans laquelle je jouerai car je m’y étais engagée avant même de candidater à la tête du TNN.

Parlez-nous des « ateliers de prise de parole » que vous animez depuis votre arrivée et où vous partagez votre passion pour les mots avec le public…
Le TNN accueille cette saison une programmation de transition que je trouve formidable de par la diversité de ses propositions. J’y ai rajouté ces ateliers gratuits, qui ont lieu deux fois par mois le lundi. Ce rendez-vous, qui n’est pas destiné aux acteurs, permet de s’entraîner à la prise de parole et de découvrir la magie du plateau. Il y a chaque fois près de 200 participants ! C’est aussi pour moi l’occasion de comprendre le public auquel je m’adresse pour construire une saison 2020 qui lui convient. Ce que j’aime le plus dans ce métier, c’est cette rencontre, faire sortir le public d’un rapport embourgeoisé au théâtre ou d’une sorte de consumérisme des pièces, inviter ceux pour qui ce ne serait pas une habitude à découvrir la puissance des mots, car le théâtre est ce lieu magique où l’on peut vraiment les entendre.

Qu’en est-il du travail que vous avez mené cette année autour du livre Lettre à Nour avec les élèves du département ?
Le texte de l’islamologue Rachid Benzine, qui nous parle d’une femme qui décide de tout quitter pour rejoindre le lieutenant de Daesh qu’elle a épousé, a été étudié en classe par des élèves de nombreuses filières. Nous leur avons proposé ensuite d’écrire leur propre lettre et de les accompagner dans la mise en scène. Leurs projets seront tous présentés les 25 et 26 mars au TNN, un rendez-vous gratuit ouvert à tous. Et l’an prochain, nous ferons la même chose avec la lettre écrite par Eric Fotorino à son père. Ce lien avec l’Education nationale et les jeunes générations me paraît simplement primordial.

Quels sont les axes majeurs que vous souhaitez développer dans la programmation du TNN ?
Je pense que dans une ville comme Nice, il n’y a jamais trop de théâtre et qu’il est normal qu’il y ait différents styles. Mais il me semble donc aussi très important de clarifier l’ADN du Théâtre National de Nice. Le public doit pouvoir se dire : ici, je sais que j’ai la possibilité d’avoir rendez-vous avec les grandes écritures. Des textes « classiques » donc, même si je n’aime pas du tout ce terme car il fait poussiéreux (rires), mais également contemporains, pour rester ouverts à ce qui se fait de nouveau. Et au regard de la position géographique de Nice, il faut s’ouvrir sur la Méditerranée que ce soit l’Italie, la Grèce, l’Espagne… J’ai mis en scène récemment Les Troyennes d’Euripide, une pièce qui nous parle des grandes héroïnes que sont les femmes, de ce courage qu’elles ont à reconstruire après la guerre, d’enfanter. Cela peut faire penser à des événements d’actualité que nous vivons aujourd’hui. Le théâtre a cet avantage d’introduire cette petite distance qui permet de s’émouvoir ou de rire plus facilement que dans le réel. C’est l’opportunité de prendre du recul sur l’histoire, de grandir, s’élever.

Par Tanja Stojanov

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